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Points communs et différences de la fonction et de l’usage du rêve dans ces 2 mouvements : exemple pictural

Nous vous proposons de mettre en parallèle le Cauchemar du romantique Füssli et Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une grenade, une seconde avant l’éveil de Dali vu précédemment.

Tout d’abord, ces deux tableaux qui ont pour sujet le rêve, ont une apparence similaire. Le premier plan est occupé par une femme allongée, visiblement endormie et sans défense. La blancheur de leur corps (l’une par sa robe, l’autre par sa nudité) nous laisse penser que ces femmes sont pures. A l’inverse, le second plan présente des créatures fantasmagoriques, probablement la représentation des rêves de ces jeunes personnes. Les rêveuses sont en position de victimes et elles sont attaquées par les différents monstres : le combat est inégal. Dans ces deux tableaux, la femme est la ligne de démarcation entre le sol, le bas du tableau, qui est le monde réel, et l’espace occupé par les apparitions, le haut du tableau représentant le monde onirique. Malgré un contact direct des corps avec leurs visions rêvées (le monstre assit sur le ventre de la dormeuse pour Füssli, et la baïonnette enfoncée dans le bras pour Dali), un appui au sol (une main chez Füssli, et les jambes chez Dali) prouve au spectateur que ce n’est qu’un rêve.

Le Cauchemar (première version actuellement conservée à Detroit), Johann Hainrich Füssli (1781)
Le Cauchemar
Cette toile aurait été peinte à la suite du refus du père de Anna Landolt, amante de Füssli, de marier sa fille au peintre –un portrait inachevé de la jeune fille figure par ailleurs au dos. C’est une représentation des sentiments qui animent l’artiste : le thème est à la fois personnel et universel. La jeune femme en position de faiblesse, la folie de ses tortionnaires et le désespoir émané de la scène indique évidemment l’appartenance de son tableau au mouvement romantique. Contrairement à Dalí, Füssli réalise une œuvre picturale compréhensible au premier regard : les symboles sont ici transparents, le sujet est parlant. Le cheval fou est un évoque la nuit dangereuse : il serait le cheval monté par la mort dans les légendes à moins qu’il ne s’agisse d’un jeu de mot basé sur l’anglais entre « nightmare » (le cauchemar) et « mare » (la jument). Le démon serait soit un envoyé du diable soit un incube (démon masculin prenant corps pour violer une femme dans son sommeil). Cependant le peintre ne s’exprimera jamais sur son tableau ou une quelconque signification.

Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une grande, une seconde avant l’éveil, Salvador Dalì (1944)

Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une grande, une seconde avant l’éveil

Ce tableau représente Gala, femme du peintre, en pleine activité onirique. C’est l’illustration de la théorie freudienne selon laquelle le rêve transforme des éléments extérieurs perturbant le rêveur et les amplifie. Ainsi, la crainte de Gala, d’être victime d’une piqure générée par le bourdonnement de l’abeille autour de la grenade à ses côtés, est reproduit dans son rêve. En effet, l’accumulation d’éléments de plus en plus agressifs traduit la menace qui pèse sur la femme : de la grenade sort un dangereux poisson (une rascasse), d’où surgit un tigre puis un deuxième suivit d’un fusil à baillonette piquant le bras de la rêveuse. Les éléments irréels semblent tous flotter, ce qui rappelle que le sujet de cette œuvre est le rêve. Nous remarquons que la baillonette représente le dard, et les tigres le corps de l’abeille notamment par leurs rayures communes. L’abeille qui est dans la réalité un danger minime et présenté comme une attaque sauvage. La présence d’un éléphant -animal imposant et lourd- représenté sur des fines pates d’insecte et se confondant avec le ciel crée un paradoxe et renforce l’idée d’onirisme : l’éléphant, les pattes clouées au sol, s’élève vers le ciel. C’est une représentation de l’homme restant attaché à la terre mais qui cherchent à se surpasser. Cet élément est à mettre en parallèle avec le corps de la femme dont le corps est à la fois posé sur la roche et s’élevant dans ses songes. Le bleu du ciel et le bleu de la mer sont séparés par les premiers rayons du soleil qui réveilleront la jeune femme endormie ainsi que le suggère la partie du titre « une seconde avant l’éveil ». L'évolution logique du rêve est bien-sûr à mettre en parallèle avec le travail de Grandville sur le rêve (voir Métamorphose du sommeil et Promenade dans le ciel de Grandville dans l'article le Romantisme et le rêve)